N° 105, 106, 107: Arishe Papirn [Papiers aryens]

 

Titre : Arishe papirn [Papiers aryens]

Auteur : Michel Borwicz

Lieu : Buenos Aires, Union des Juifs Polonais en Argentine

N° : 105-106-107

Volumes : 3

Nombre de pages : 317, 253, 298

Année : 1955

Liens

http://www.yiddishbookcenter.org/collections/yiddish-books/spb-nybc206119/borwicz-michal-pat-jacob-arishe-papirn-vol-1

http://www.yiddishbookcenter.org/collections/yiddish-books/spb-nybc206120/borwicz-michal-pat-jacob-arishe-papirn-vol-2

http://www.yiddishbookcenter.org/collections/yiddish-books/spb-nybc206121/borwicz-michal-pat-jacob-arishe-papirn-vol-3

Résumé

1er Volume

Le volume I comprend une partie de l’ouvrage, intitulée « Natur-geshikhte un optsvaygungen. Situatsyes un problemen » (« L’histoire naturelle et ses ramifications. Les situations et les problèmes »). Cette partie est composée de 14 chapitres qui traitent les différents aspects de la vie avec des « papiers aryens » :

  • Les premières répressions contre les Juifs après l’occupation
  • Les différents « papiers » (passeports, certificats de naissance, certificats de travail…)
  • « Les premiers pas » dans la vie sous une fausse identité
  • Les histoires des enfants
  • L’importance de l’apparence « correcte », de la bonne connaissance du polonais
  • Les errances des personnes sous une fausse identité
  • Les maitres-chanteurs
  • Les appartements cachettes
  • Les Juifs de nationalité étrangère et l’affaire de l’Hôtel Polski
  • Les travaux forcés à l’étranger (comme lieu plus sûr de la Pologne)
  • Un cas particulier des Juifs qui se sont fait passer pour des Ukrainiens
  • Un cas particulier d’une femme qui s’est faite passée pour une Arabe
  • Encore quelques cas, « quelques variantes »
  • Les lettres d’une petite fille avec des « papiers aryens » écrites à son père au ghetto

2ème volume

Le deuxième volume comprend les parties 2, 3 et 4 de l’ouvrage. La partie 2 est entièrement consacrée aux expériences des Juifs dans des caches et des « planques ». Les parties 3 et 4 sont consacrées au mouvement de la résistance avant et après la destruction des ghettos, et particulièrement aux aspects liés aux fausses identités, comme par exemple les actes de sabotage du « côté aryen ». Il y a aussi un chapitre entier sur le soulèvement du ghetto de Varsovie et sur le destin des combattants après le soulèvement, ainsi que plusieurs chapitres généraux sur la structure de la résistance polonaise et la résistance juive. Borwicz est particulièrement intéressé par les résistants Juifs dans les organisations polonaises qui étaient sous une double fausse identité (c’est le cas de Borwicz lui-même).

3ème volume

  • Les souvenirs personnels de Borwicz (13 chapitres) sur la période de son évasion du camp jusqu’à la fin de la guerre, donc principalement sur ses activités dans le cadre de la résistance polonaise ; il traite amplement les thèmes de l’antisémitisme dans la résistance polonaise et de la situation des combattants Juifs.
  • Quelques témoignages de non-Juifs
  • Quelques cas des Juifs polonais à l’étranger avec des « papiers aryens »
  • Pour la comparaison, le cas d’un Polonais à l’armée française qui à prétendu être français quand il a été capturé par les Allemands
  • « Le problème de l’honneur », critique des jugements moraux prononcés par certains auteurs à l’égard des Juifs qui ont choisi la vie sous une fausse identité
  • Différents détails, par exemple sur la difficulté et parfois la non-volonté de se débarrasser de la fausse identité

Contexte, configuration d’écriture, publication

  • Configuration

Le texte est un essai de sociologie basé sur les témoignages collectés par Borwicz pendant la guerre ainsi que sur sa propre expérience. Dans sa préface, Yankev Pat (p. 9-10) explique qu’il a déjà lu le manuscrit il y a quelques années et a été très impressionné par l’ouvrage qui décrit la situation extraordinaire des Juifs sous une fausse identité. ll mentionne également son livre Henekh et souligne que les lecteurs veulent lire de « la littérature factuelle » (literatura factu) et non des œuvres de fiction. La « littérature factuelle » renvoie à un courant littéraire central dans la littérature polonaise depuis la fin du 19ème siècle, qui contient une large palette d’écrits tels que le reportage littéraire, l’autobiographie. Cette allusion est éclairante pour envisager les écrits de la collection portant sur le génocide non pas à partir des pratiques scripturaires de l’époque. Chacun dans leur genre, Henekh, l’écrit de Yankev Pat, et Arishe papirn, apparaissent inclassables aux vues des catégorisations actuelles des écrits sur le génocide.

Concernant l’insertion du propre témoignage de l’auteur, qui fait l’objet d’une partie à part au début du troisième volume, elle n’est pas théorisée mais Borwicz fournit une anecdote à ce propos. Dans l’introduction qui précède son propre témoignage, il raconte comment l’une des employées de la Commission Centrale Historique Juive de Cracovie lui proposa de déposer un témoignage sur les papiers aryens et puis par plaisanterie commença à parler avec lui comme avec les autres témoins. « – Il ne faut pas avoir peur. Ce n’est vraiment pas compliqué, c’est très facile; vous allez me raconter et moi, je vais noter… [si vous décidez d’écrire], écrivez seulement la vérité, il ne faut rien embellir. Écrivez tout, même les détails insignifiants… » (vol.3, p.12). De la même manière, Borwicz a inséré dans sa thèse (Écrits des Condamnés à mort sous l’occupation nazie), en note, des emprunts à ses écrits précédents. L’utilisation de témoignages renvoie aux pratiques savantes réinvesties dans la compréhension de l’événement (la collecte de témoignages, pratiquée pendant le génocide et formalisée par le guide méthodologique de la Commission Centrale Historique Juive) tandis que l’insertion de son propre témoignage renvoie à l’exploitation des documents personnels sous forme d’essai autobiographique, forme impulsée par les sociologie polonaise d’avant-guerre.

  • Témoignage

Dans la préface au premier volume, Borwicz explique qu’il avait commencé à collecter des sources et des témoignages pendant la guerre et a continué le travail dans le cadre de la Commission historique juive après la guerre où il s’est particulièrement intéressé aux Juifs qui ont survécu sous une fausse identité. Borwicz argumente que son livre offre une autre perspective, plus juste, sur la période de l’occupation nazie, parce que les ouvrages existants portent « en premier lieu sur les meurtres hitlériens ». Tout au long de son parcours et de son travail, Borwicz a insisté sur l’importance des témoignages des victimes comme sources pour l’écriture de l’histoire, tant dans ses discours que dans sa pratique d’historien. Dans Arishe papirn, il revient sur la valeur de ce matériau, contre une conception de l’historiographie fondée sur les documents d’archives : « Et les milliers de témoins oculaires, ils ne comptent pour rien ? On parle ici d’évènements qui ont eu lieu il y a huit ans et non huit cent ans » Et encore : « [les documents d’archives] ne dévoilent qu’une partie de l’image et, en plus, de manière très simplifiée, comme si quelqu’un disait qu’il accepte seulement ce qu’il voit à travers le trou de la serrure et non ce qu’il voit sans difficulté, directement, simplement, face à lui » (vol.3, p .216-217). Il se démarque d’une part d’une historiographie du génocide fondée sur les sources officielles, comme la pratiquait d’autres membres de la Commission Centrale Historique Juive, Philip Friedman et Joseph Kermisz notamment. Un écho des controverses au sein de la Commission transparaît dans les débats qui ont eu lieu lors de la Conférence organisée par le CDJC à Paris en 1947, où Friedman et Borwicz étaient présents (voir bibliographie). Il ajoute que les expériences des Juifs avec les « papiers aryens » sont très différentes de leurs expériences dans les camps et les ghettos et met en avant un thème peu traité de l’histoire du génocide ; en Pologne cette histoire concerne surtout une frange particulière de la population, la frange la plus assimilée, polonophone et détenant des contacts au sein de la population polonaise.

  • Langue

Publié en yiddish, Arishe papirn est ce qu’on pourrait appeler une « traduction clandestine » : en effet, Borwicz n’avait appris le yiddish que tardivement, pendant la guerre puis à Paris. Les matériaux collectés par Borwicz étaient en polonais. Le choix de la langue de publication apparaît conditionné par la maison d’édition. Comme il l’explique dans l’introduction, « la majorité des documents et témoignages employés dans ce livre sont rédigés, notés (ou enregistrés) en polonais. (Cela s’explique partiellement par la sélection naturelle des témoins : ce sont les Juifs plus ou moins assimilés du point de vue linguistique qui ont vécu avec les “papiers aryens”). Une partie du texte même a également été écrite en polonais. Les camarades Y. Yonasovitsh, M. Khapheys et Sh. Zisman ont participé à la traduction en yiddish des divers textes et matériaux. J’exprime ma gratitude pour leur aide » (vol 1, p.17).

  • Réception

L’ouvrage de Borwicz est l’un des derniers ouvrages sur le génocide publié dans la collection; il précède de peu le récit autobiographique d’Élie Wiesel intitulé Et le monde se taisait, publié dans la collection Dos pouliche yidntum au début de l’année suivante, dont La Nuit publiée aux Éditions de Minuit l’année suivante constitue une version remaniée. Arishe papirn a donné également lieu à une édition française (Michel Borwicz, Vies interdites, Paris : Casterman, 1969), qui constitue une version remaniée et abrégée de l’édition yiddish antérieure. La correspondance de Borwicz montre qu’il a eu beaucoup de difficulté à trouver un éditeur français et n’a pu le faire publier qu’au prix de coupes. Les fortunes antagonistes des deux ouvrages, celui de Wiesel et celui de Borwicz, sont le signe d’une évolution de la perception du génocide au milieu des années soixante, allant de pair avec l’avènement de l’ère du témoin dans l’espace public de l’ère occidentale ; 1955 est aussi l’année du film Nuit et Brouillard. Du point de vue de l’écriture sur le génocide, cette période est marquée par l’affirmation d’un partage disciplinaire. L’écrit d’Élie Wiesel, qui a marqué le passage vers une autre forme d’écrits du témoignage, centrée sur le caractère métaphysique de l’expérience du survivant et l’accès de ce dernier à la position d’écrivain. L’écrit de Borwicz, historique tout en étant narratif, n’est pas reçu par le public français. Il constitue encore à ce jour un des seul travail existant sur le thème de la vie sous une fausse identité sous le nazisme.

Paratexte

Couverture rigide avec jaquette illustrée (auteur de l’illustration non indiqué)

1er volume

préface : Yankev Pat, 2 p.

préface : Michel Borwicz, 6 p.

Compte-rendus

  1. Zhitnitski sur Zigmunt Turkov, Fragmentn fun mayn lebn, (n° 75, 1951)
  2. Moyshe Shenderay sur Daniel Tsharni, Vilne (n° 78, 1951)

2ème volume

Compte-rendus

Shmuel Rozhanski et Yankev Botoshanski à l’occasion de la parution du 100e volume de la série (Mark Turkow, Di letste fun a groysn dor, n°100, 1954)

  1. Sverdlin sur Yonas Turkow, Farloshene shtern (n° 95-96, 1954)
  2. Shemen Yoysef Tenenboym, Galitsye – mayn alte heym (n° 87, 1952)

3ème volume

Une photo de Borwicz de la période des « papiers aryens »

 

  • Crédit

Rédaction : Akvile Grigoraviciute et Judith Lindenberg

Édition : Judith Lindenberg