N°8: Poyln 1946, ayndrukn fun a rayze [Pologne 1946, Impressions d’un voyage]
Titre : Poyln 1946, ayndrukn fun a rayze [Pologne 1946, Impressions d’un voyage]
Auteur : Henry [Khaim] Shoshkes
Lieu : Buenos Aires, Union des Juifs Polonais en Argentine
Année : 1946
N° : 8
Nombre de pages : 189
Volume : 1
Composition de l’ouvrage
Chapitre 1 : « Kaddish sur les ruines du ghetto ».
Shoshkes arrive à Varsovie, où il aperçoit les ruines du ghetto et se remémore les bâtiments (rédaction du journal Haynt, centre social) qui s’y tenaient avant et qui ont disparus, ainsi que les personnes qui ont disparues. Il a l’illusion d’entendre les voix des enfants et des mères. Il dit ne plus vouloir retourner sur les ruines du ghetto mais vouloir voir les vivants et les aider.
Chapitre 2 : « Premières rencontres »
Dans le quartier de Praga à Varsovie, il rencontre la veuve du dirigeant du Judenrat du ghetto de Varsovie, Tcherniakov, qui se cache, comme beaucoup d’autres Juifs, sous un faux nom. Shoshkes parle beaucoup dans son livre des Juifs qui se cachent sous des identités polonaises, mais dit que les Polonais reconnaissent les « marranes ». Shohskes raconte comment l’enfant de la femme de Tcherniakov a survécu caché. Shoshkes emmène cet enfant à la synagogue le vendredi soir afin qu’il sache qu’il est Juif. Il finit son chapitre en signalant le contraste entre ce vendredi soir et ceux d’avant-guerre à Varsovie.
Chapitre 3 : « Chez Dr Emile Zommerstein »
Zommerstein est alors le président du comité central des Juifs de Pologne et Ministre de la reconstruction. Shoshkes et d’autres envoyés en Pologne (bundistes, sionistes, religieux) lui rendent visite en même temps. Zommerstein a un appartement situé dans un quartier où résident les membres du gouvernement mais la visite s’effectue à l’hôpital car ce dernier est malade.
Les visiteurs lui demandent des nouvelles de leurs amis mais aucun d’eux n’a survécu.
Shohskes relate ce que le fils d’un de ses amis lui raconte sur son action auprès des partisans juifs pendant la guerre.
Zommerstein parle du retour des Juifs d’URSS et indique que les Juifs de Pologne ont besoin de recevoir plus d’aide de l’étranger. Il parle du désir des Juifs de quitter la Pologne mais du travail important à faire sur place en attendant le départ, ainsi que pour ceux qui n’auront pas les moyens de partir.
Zommerstein était réfugié à Moscou pendant la guerre. Il relate un entretien qu’il a eu avec Staline en 1944, au cours duquel Staline lui a assuré qu’il réservera une partie de son programme politique à la question juive après-guerre. Zommerstein déclare ne pas savoir par quels moyens Staline compte s’occuper des Juifs.
Chapitre 4 : « La femme avec le sceau »
Shoshkes retrouve une amie d’avant-guerre. Comme beaucoup d’autres personnes qu’il rencontre au cours de son voyage, elle lui demande de l’aider à contacter ses proches en Amérique, pour qu’ils l’aident à quitter la Pologne. La question du départ de Pologne est omniprésente. Cette femme raconte à Shoshkes comment elle a survécu à Auschwitz grâce à un officier nazi amoureux d’elle, qui a caché son fils chez sa mère allemande. Ensuite cette femme est devenue prostituée pour officiers nazis.
Chapitre 5 : « Les Juifs vident leur sac »
Shoshkes parle des Juifs « marranes », nombreux. Il parle de cas de Juifs cachés du côté aryen de Varsovie et mentionne (à plusieurs reprises dans son récit) l’importance du physique « type anglais », des cheveux blonds, pour survivre sous une fausse identité. Il mentionne aussi l’importance d’avoir de l’argent pour survivre.
Shohskes parle des dénonciations de Juifs pendant la guerre, du fait que l’on donnait du sucre aux Polonais dénonçant des Juifs.
Shoshkes relate les parcours de guerre de personnes qu’il rencontre. Ces personnes, comme beaucoup d’autres, veulent quitter la Pologne et lui demandent de l’aide pour trouver leurs proches.
Chapitre 6 : « Figures tragiques »
Shoshkes explique qu’il écrit ce livre loin de la Pologne, qu’il ferme les yeux et que des images lui reviennent.
Des images de sa chambre d’hôtel à Varsovie (hôtel Polonia) puis de son séjour à Bogota auprès de Juifs aisés se succèdent. Shoshkes signale ainsi les contrastes entre les deux univers, entre d’un côté les histoires tragiques qui lui sont racontées à Varsovie, et les soirées auxquelles il participe en Colombie, parmi des Juifs originaires de Pologne, à qui il doit relater ce qu’il a entendu pendant son séjour. Shoshkes signale que ce contraste est difficile car il se sent en grand décalage avec les personnes qu’il rencontre. Lors d’une visite de chutes d’eau en Colombie, un orchestre joue de la musique indienne mais lui pense aux morts, pense au chant des partisans.
Chapitre 7 : « Les nouveaux marranes »
Shoshkes parle de son hôtel, le Polonia, où résident les diplomates. Encore une fois Shoshkes parle de contrastes, de ceux entre les ruines de Varsovie, la misère et la détresse environnante et le confort de son hôtel, où l’on parle de la situation en Pologne de manière détachée.
Shoshkes rend visite à une famille d’amis et parle de la polonisation des familles juives, des crucifix qu’elles mettent à leurs murs, afin de dissimuler leur identité. Une femme va à la messe tous les dimanches de peur d’être remarquée par ses voisins.
En rentrant dans son hôtel, Shoshkes supporte mal l’indifférence des diplomates qui l’entourent quant au sort des Juifs. Il repense aux mots de sa grand-mère, comme quoi les Juifs et les goyim appartiennent à deux mondes différents.
Chapitre 8 : « Parents juifs et enfants goys »
Shoshkes relate sa rencontre avec un couple polonais qui a caché une petite fille juive, la fille d’une voisine. Le couple, attaché à la petite fille, souhaiterait la garder mais comprend la nécessité de l’éduquer au sein d’un environnement juif. Shoshkes mentionne que la fille sera peut-être emmenée en « Eretz Israel ». Ce couple loge également une femme juive, qui vit sous un faux nom.
Chapitre 9 : « Lettre pathétique de la veuve Tcherniakov »
Shoshkes raconte qu’il était le bras droit de Tcherniakov pendant la guerre, et qu’il a reçu un faux passeport qui lui a permis de s’enfuir. Tcherniakov n’a pas voulu fuir.
La veuve de Tcherniakov, souffrant de la réputation de son mari, qualifié de collaborateur, écrit une lettre en polonais dans le but de réhabiliter la mémoire de son mari. Elle remet cette lettre à Shoshkes, qui la joint, traduite en yiddish. Dans cette lettre, Mme Tcherniakov explique que son mari n’a pas voulu fuir ses responsabilités, et qu’il a beaucoup fait pour la vie sociale et culturelle du ghetto.
Chapitre 10 : « Otwosk »
En route pour la ville d’Otwosk, Shoshkes est frappé par la présence de non-Juifs dans des petites villes situées aux alentours de Varsovie. Il se remémore la vie juive, laïque comme hassidique, dans ces villes.
En passant en voiture à Miedeczyn, il parle de la déportation des enfants du sanatorium Medem.
Shoshkes visite la maison d’enfants d’Otwosk mais parle peu de cette visite. Il clôt le chapitre en exprimant son désir d’emmener ces enfants loin d’ici et de leur faire oublier leurs peurs.
Chapitre 11 : « Shtetlekh sans Juifs »
Shoshkes veut aller à Bialystok malgré le danger du voyage. En effet, des bandes nationalistes et antisémites vivent dans les forêts et attaquent fréquemment voitures et trains.
En route pour Bialystok, Shoshkes voyage avec Yankev Pat, comme lui originaire de Bialystok.
De même que lors du voyage vers Otwosk, Shoshkes passe devant des petites villes, se remémore la vie juive d’avant-guerre, et constate avec désolation que ces villes sont désormais sans Juifs. Il repense à la façon dont il a fui Bialystok au début de la guerre.
En passant près de Treblinka, il parle du camp d’extermination et de la façon dont les paysans polonais déterrent les corps afin de trouver des bijoux.
Chapitre 12 : « Bialystok »
Comme à Varsovie, en voyant les ruines de Bialystok, Shoshkes se remémore les bâtiments de la vielle qui n’existent plus. Il décrit la déportation des Juifs de Bialystok.
Au comité juif de la ville, il apprend les circonstances de la mort d’une de ses sœurs.
Chapitre 13 : « Le Bialystok d’aujourd’hui »
Il relate les expériences de guerre de personnes qu’il rencontre.
Shoshkes a apporté avec lui de l’argent des habitants de Bialystok américains, qu’il remet au comité. Le personnel du comité lui décrit les différentes activités culturelles et sociales juives de la ville : écoles, bibliothèque, cantine cacher, kibboutzim pour jeunes. Shoshkes signale que les jeunes de ces kibboutzim se préparent à aller en Erets Israel.
Chapitre 14 : « Lodz »
Shoshkes mentionne la Commission Centrale Historique Juive mis en place par Philip Friedman.
Il décrit aussi l’attitude de Rumkowski, le dirigeant du Judenrat de Lodz.
Il relate les expériences de guerre de personnes qu’il rencontre.
Il parle des kibboutzim, où l’on travaille en attendant d’obtenir un visa.
Chapitre 15 : « La vie juive à Lodz »
Shoshkes est arrivé quelques jours après une grande manifestation juive dans la rue, durant laquelle les Juifs de toutes tendances se sont réunis. Il se réjouit de savoir que les Juifs, qui d’habitude cachent leur identité, aient osé manifester, tous ensemble, en pleine rue.
Shoshkes visite des coopératives, constate que les gens y travaillent et y vivent dans de bonnes conditions.
Il rencontre Rivke Shinder, la dirigeante de la révolte du ghetto de Bialystok. Il l’emmène avec lui en voiture pour qu’elle lui raconte la révolte de Bialystok et l’action des partisans.
Chapitre 16 : « Auprès des orphelins de guerre »
Rivke Shinder lui parle des partisans polonais de droite, qui faisaient encore plus peur que les Allemands.
Ils arrivent à la maison d’enfants de Helevuek, font un tour en voiture avec les enfants. Il parle peu de la maison d’enfants. Nous savons toutefois que la directrice, Mery Feingold, a travaillé avant-guerre avec Korczak.
Chapitre 17 : « Terreur fasciste »
Il parle des bandes fascistes en Pologne, qui assassinent des Juifs et aussi des non-Juifs. Il décrit l’antisémitisme de ces bandes. Shoshkes craint que le déroulement d’élections libres amène des antisémites au pouvoir.
Chapitre 18 : « Les Juifs polonais protestent contre les Juifs américains »
Shoshkes dit qu’il n’a pas eu peur des dangers pendant son voyage. En revanche, il a eu peur des colères des Juifs de Pologne vis-à-vis des Juifs américains.
Il raconte deux réunions auxquelles il a participé, l’une à Varsovie, l’autre à Bialystok, avec Yankev Pat.
La seconde fut particulièrement forte en reproche envers les Juifs américains, envers leur silence pendant la guerre. Leurs mots sont durs mais Shoshkes dit qu’il est d’accord avec eux et indique que lui et d’autres ont écrit dans la presse pendant la guerre, afin de faire connaître le sort des Juifs de Pologne.
Les Juifs présents lors de cette réunion affirment qu’ils veulent quitter la Pologne, qu’ils veulent aller en Eretz Israel.
Shoshkes finit sa visite en Pologne au cimetière juif de Bialystok.
En se préparant à quitter la Pologne, il pense aux Juifs d’Espagne, qui eux aussi ont laissé derrière eux une Terre.
Chapitre 19 : « Se faire passer pour un diacre »
Il envisage de quitter la Pologne pour toujours.
Sa dernière rencontre est celle d’un ami, caché pendant la guerre chez un pope russe. Son ami s’est fait passé pour un diacre au service de ce pope pendant toute la guerre. Cette histoire l’amuse et il est heureux de repartir avec une histoire qui le calme un peu du tourment qu’il a ressenti pendant tout son séjour.
Chapitre 20 : « Je quitte Varsovie »
Il quitte Varsovie dans un avion militaire. Au cours du voyage, il boit de l’alcool avec les pilotes soviétiques, qui chantent une ode à Staline.
Il finit son voyage en voiture dans les Sudètes, et, à la vue d’Allemands portant un brassard jaune au bras, chante l’Hatikva.
Configuration d’écriture
Cet ouvrage parle de la fragilité de la vie juive en Pologne en 1946 : les Juifs cachent leur identité, veulent quitter la Pologne, sont menacés par les antisémites. L’auteur n’a aucun espoir de reconstruction d’une vie juive en Pologne. Il décrit une situation de terreur, au sein d’un environnement très hostile.
L’auteur est sioniste. Il mentionne plusieurs fois le désir des Juifs de Pologne de créer un Etat juif en Eretz Israel. Ce livre parle de la fin du judaïsme polonais : les anciens lieux de vie juive sont soit en ruine soit peuplés de non-Juifs, les Juifs ne sont presque pas visibles, les seuls survivants veulent partir. Il décrit beaucoup les anciens lieux de vie juive, se remémore l’avant-guerre. Il relate également de nombreuses expériences de guerre.
Son livre a été écrit après son voyage, mais dans la foulée de ce dernier. Shoshkes a donc, comme le souligne la préface, voulu créer un document qui informe le monde des problèmes de la Pologne. Son livre critique à plusieurs reprises la distance des diplomates par rapport à la situation des Juifs de Pologne. Shoshkes est parti en Pologne pendant l’hiver 1946, soit avant le pogrom de Kielce (juillet 1946) et les grandes vagues de départ de Juifs de la Pologne. Cependant, il ne parle jamais de façon optimiste ou positive de la vie sociale et culturelle juive en reconstruction en Pologne qui exista en 1946-1948 malgré l’antisémitisme. Il ne parle pas non plus des Juifs qui veulent rester en Pologne, notamment des Juifs communistes. Shoshkes n’envisage que le départ de Pologne comme issue pour les Juifs.
Paratexte
- Préface
« Ce livre est un document qui traite de trois périodes de la vie juive en Pologne. L’auteur n’a pas pu se contenter de seulement relater ce qu’il a vu pendant son voyage à travers la Pologne pendant les premiers mois de 1946. Dr Khaim Shoskes était trop intimement lié à la vie juive polonaise pour pouvoir se limiter à la description du khurbn en Pologne. Bien qu’il ait modestement qualifié son livre d’impressions de voyage, nous pouvons sentir à chaque description qu’il n’est pas allé en Pologne juste pour voir et entendre les témoins de notre khurbn puis pour la décrire. Dr Shoshkes s’est efforcé de nous décrire le khurbn sous la forme objective du récit de voyage.
Nous décrivant le moment présent de notre khurbn polonaise-juive, l’auteur nous a conduit dans le passé le plus sombre, qui fut une sorte de prologue au tragique d’aujourd’hui. Ainsi Shoshkes nous mentionne très souvent des épisodes et faits de la vie juive avant le début de la guerre, nous parle des épreuves qu’on endurées les personnes qu’il a rencontrées pendant la guerre, puis nous décrit la réalité polonaise-juive d’aujourd’hui.
L’auteur commence par une description des ruines du ghetto de Varsovie, puis ses rencontres avec des personnalités dirigeantes comme avec des hommes, femmes et enfants du peuple, en traitant des trois périodes temporelles. L’auteur a tout fait pour que l’image de la Pologne en 1946 soit complète.
En tant que responsable du mouvement coopératif avant la guerre, il était en contact direct avec les masses juives, avec leurs coutumes et leur lutte pour leur droit de travail et leur droit à la vie.
Il a voulu que les problèmes de la Pologne soient connus parmi les Juifs à travers le monde, ainsi qu’auprès des non Juifs.
Shoshkes a vécu la première période de l’occupation nazie en Pologne en tant qu’un des membres dirigeants du Judenrat, ce pour quoi il peut nous donner son propre témoignage.
Déjà au début de la guerre, dès qu’il s’est sauvé de Pologne, Shoshkes a publié beaucoup d’article et une série de livres en yiddish, anglais et espagnol pour informer le monde de la cruauté nazie. Malheureusement son avertissement comme celui d’autres n’a pas reçu l’écho approprié qui combattait soi-disant pour la démocratie… Nous avons donc une image si triste de la Pologne juive. Ce document servira pour ceux qui écriront l’histoire dans le futur »
« La rédaction », Buenos Aires, octobre 1946
- Illustrations
– Couverture
Des hommes, femmes et enfants traversent la frontière avec leurs valises. Ils marchent le long des rails d’un train.
– Intérieures
Des photos des ruines de Varsovie puis de Shoshkes dans les différents lieux qu’il visite, seul ou entouré de personnes.
- Dédicace de l’auteur
« À la mémoire de mes sœurs inoubliables, avec leurs maris et enfants, morts en martyrs en 1943 à Bialystok et Treblinka. Je leur dédie ce livre ».
Crédit
Rédaction et traduction : Constance Paris de Bollardière
Édition : Judith Lindenberg