N°23: Varshever heyf [Cours de Varsovie]

 

Titre : Varshever heyf, mentshn un gesheenishn, [Cours de Varsovie, gens et faits]

Auteur : Avrom Teytlboym

Lieu : Buenos Aires, Union des Juifs Polonais en Argentine

Année : 1947

N° : 23

Nombre de pages : 207

Volume : 1

 

Présentation de l’ouvrage

Le récit, à la première personne, est organisé en 10 chapitres, chacun parlant d’une cour différente de Varsovie.

Les trois premiers chapitres décrivent des cours dans lesquelles l’auteur a vécu successivement.

Chapitre 1

Description de la cour au 19 de la rue Muranov. Teytlboym y décrit une vie chaleureuse, de grande solidarité entre habitants de la cour, de joie malgré la pauvreté. Son père étudie et sa mère fait vivre la famille en tenant une cantine chez eux. Des artistes et musiciens viennent y prendre leurs repas, l’ambiance musicale qu’ils créent est gaie. Teytlboym présente une enfance heureuse et insiste sur la solidarité, entre voisins, à l’intérieur de la cour.

Chapitre 2

L’action se déroule dans une cour au 2 rue Tvarde, dans un quartier plus aisé et moins chaleureux, où la solidarité entre voisins n’existe pas. Il parle du quartier environnant, des boutiques, ainsi que de personnes de son entourage à cette époque.

Chapitre 3

Ce chapitre se déroule dans leur troisième logement, 16 rue Tvarde. L’auteur décrit sa yeshiva (située dans la cour) ainsi que les différents métiers artisanaux (vitrier, sculpteur sur bois, graveur…) pratiqués dans la cour., p. 86-93. Il se souvient des chants de l’étude mêlés à ceux des travailleurs (p. 83).

Il parle de ses amis, évoque des anecdotes vécues dans la cour. Il évoque également les premières agitations révolutionnaires, ainsi que les premières pièces de théâtre en polonais auxquelles il assiste.

Chapitre 4

Description de la cour Yanakhem, située rue Krokhmalne, dans laquelle la mère de l’auteur a tenu une cantine. Sa cantine est devenue le lieu de rendez-vous du parti judéo-polonais « Proletariush » (p. 120). Sa mère dût fermer sa cantine à cause des jeunes révolutionnaires trop agités qui la fréquentent. L’auteur parle des premières grèves. Il parle du jeune juif Shulman, qui a assassiné Konstantinov, un commissaire de police particulièrement cruel envers la population révolutionnaire de Varsovie et en particulier envers les Juifs (p. 136-138).

Chapitre 5

L’auteur décrit une cour, Granitshne 7, où il habitait et d’où il a pu voir les manifestations de janvier 1905. Non loin de chez lui, des habitants de Varsovie ont été tués lors de manifestations. Il décrit ensuite la peur des pogroms et de l’union des Juifs de la cour, au-delà des croyances et partis politiques, afin de préparer l’auto-défense.

Chapitre 6

L’auteur décrit la cour Genshe 29, rue Dzielne, dans laquelle il a participé aux combats révolutionnaires de 1905, auprès du Poale Zion. En face se trouvait le clan du Bund.

Chapitre 7

Description de la cour située rue Nalevkes 15, où se situait la librairie-bibliothèque dans laquelle Teytlboym a travaillé après la révolution de 1905. L’auteur explique que les temps troublés n’étaient pas propices à l’étude, il a donc décidé de se consacrer aux livres. Il rencontre dans cette librairie l’écrivain Sholem Aleichem, et d’autres écrivains et artistes juifs.

Dans ce chapitre, Teytlboym parle aussi de la parution du premier quotidien yiddish à Varsovie, Der fraynt, et, avec nostalgie, il se souvient de la joie d’attendre avec impatience cet événement.

Chapitre 8

Ce chapitre se situe dans la cour Panske 20, où l’auteur a travaillé dans l’administration du journal hébraïque Hatsufe (L’Observateur). Il y travaille d’abord de nuit. Il parle des membres de son équipe, puis de l’ambiance chaleureuse de son groupe d’étude, Agudat-Akhim (la société des frères), qu’il rejoint à la même période.

Après la révolution de 1905, le théâtre yiddish est à nouveau autorisé. Il parle de l’importance du théâtre, très populaire parmi les masses juives. Il parle de la comédienne Esther Rachel Kaminska (p. 173-174).

Chapitre 9

Ce chapitre traite de ses débuts au théâtre dans la troupe de l’organisation « Hazmir » (celui qui chante/le rossignol). L’écrivain I.L. Peretz est responsable de la sélection des comédiens, et Teytlboym décrit sa première visite chez le célèbre écrivain, qui résidait alors au 1 rue Tseglane (rue pas trouvée sur le plan). Il rencontre également l’écrivain Yankev Dinezon, (p. 189).

Chapitre 10

Ce chapitre décrit le n°9 de la rue Khmielne, rue située en dehors des quartiers juifs de Varsovie. A cette adresse se trouvait le nouveau théâtre juif, au « jardin d’hiver », un quartier nouvellement fréquenté par les Juifs. L’auteur parle du « beau yiddish » qu’on y entend, différent de celui des rues. Il parle des différents comédiens, (p. 194-195). Puis l’auteur parle du nouveau théâtre yiddish situé au cœur du Varsovie juif, le « Muranover teater », ainsi que du développement des écrits sur le théâtre dans la presse (p. 195).

Teytlboym s’insère dans le milieu théâtral, commence à travailler avec le dramaturge Mark Arnstein, puis est recruté comme souffleur dans la troupe de Sam Adler (p. 197) ; puis par la troupe de Jacob Spivakovsky et Sam Adler. Il devient professionnel du théâtre (d’abord en coulisses, puis comédien) et quitte Varsovie pour partir en tournée en Russie. Il quitte sa ville natale pour la première fois, il a 18 ans.

 

Configuration d’écriture

Alors que les mémoires de Teytlboym n’évoquent pas le génocide, sa préface explique que cet ouvrage a pour but de préserver la mémoire de la vie juive des rues du Varsovie d’avant-guerre, et du sort tragique des Juifs de Varsovie (il n’utilise pas le mot ghetto). L’auteur dédicace son livre à « la mémoire sacrée de sa sœur Perele, de ses beaux-frères Nakhum et Yoel, leurs enfants et petits-enfants, morts en martyrs dans les chambres à gaz nazies. Puisse Dieu prendre sa revanche pour leur sang, ainsi que pour le sang de tous nos martyrs ».

Cet ouvrage est une source intéressante sur les métiers juifs de Varsovie, sur la révolution de 1905, et sur les débuts du théâtre yiddish. Teytlboym décrit une vie juive chaleureuse, une vie culturelle en plein développement.

Paratexte

  • Préface de l’auteur

« Ces cours furent des forteresses de la vie juive enracinée d’antan, cours devenues « de nos jours »des forteresses de combat, dans lesquelles les Juifs ont trouvé leur mort.

Des murs de cours desquels jadis résonnaient les rires d’enfants juifs depuis leurs maisons pauvres mais chéries, « et qui ont maintenant dû être les témoins muets d’agonie et d’angoisse, dans laquelle jour après jour, nuit après nuit, sont morts nos plus chers et nos plus aimés ».

Les pierres des cours, qui recevaient les pas de nos pères et frères et maintenant « sont inondés du sang et de la cervelle de nos mères et sœurs, torturées par un ennemi sombre ».

« Mon cœur meurt pour vous. »

« Et parce que je sais que la vie juive a été détruite en vous, car je sais que votre joie et votre humeur d’autrefois ne vont pas vous revenir si vite ; comme la vie juive n’aura parmi vous certainement pas le même aspect qu’elle a eu, je veux écrire sur vous ».

Il veut parler des simples gens qui ont vécu parmi ces cours, ceux qui ont vécu une vie décente/humaine (mentshlekh), une vie juive, avec tous ses charmes, couleurs et échos.

Il finit sa préface en insistant sur le courage du simple homme du peuple, qui a combattu héroïquement.

  • Illustrations

Quelques photos de Juifs de la vie juive de Varsovie (page 16 : un juif de Varsovie avec sa petite boîte à tabac, photo d’Alter Katsyzne ; page 48 un porteur juif rue Nalevki, photo Katsyzne ; page 80 : repos au square historique Gjibov ; page 94 : un vitrier juif ; ou de sa famille : page 72 : sa sœur, photo de mai 1942, et son beau-frère.)

  • Couverture

Une cour de Varsovie, image gaie, on y voit un vitrier, un juif pieux, une femme portant un panier, des enfants en train de jouer, et des artistes de rue (bien que l’auteur ne parle pas de ces artistes dans son ouvrage).

Crédit

Rédaction : Constance Pâris de Bollardière

Édition : Judith Lindenberg